Paolo Doss et la graîne du plaisir
Demain, c'est impossible. J'ai deux télés et trois interviews... C'est la première fois que ça m'arrive, mais bon...", déclare Paolo Doss clown autodidacte italo-égyptien à nouveau prêt à semer sa "graine du pêcher", source de plaisir que l'artiste se plaît à définir: "Le plaisir, c'est ce qu'il reste lorsqu'on a enlevé toutes les couches du personnage sociologique, lorsqu'on s'est débarrassé du poids de l’éducation, de la religion, de la société, de la culpabilité, de la peur. Le plaisir n'est donc pas un élément ajouté mais enlevé. Si on enlève la culpabilité liée à Dieu, alors on peut avoir un plaisir inné avec lui. Pour rire, il faut d'abord se débarrasser de ce qui empêche de rire. Chez l'enfant, le plaisir est plus grand parce qu'il est encore libre. Même malade, il a accès au plaisir à condition que le mal physique ne soit pas trop présent."
Dans "La graine du pêcher", ancien spectacle retravaillé, Paolo Doss, qui aime manier humour et poésie, part à la recherche de l'aimée. Du palais de justice au fleuriste du coin, des petites annonces aux galeries d'art, il explore la ville et la vie, fuit la solitude. Mais est-on moins seul quand on est deux?
DE LA SCÈNE A l'HÔPITAL
Le regard limpide, les boucles frondeuses et les "r" toujours aussi roulants, Paolo Doss ne cherche plus, depuis qu'il a
quitté le milieu de la pub, à cacher sa fibre sociale. Assurément moins médiatique que les Cliniclowns et leurs tabliers de médecin, il se rend lui aussi chaque semaine dans les hôpitaux pour insuffler un peu d'espoir, de détente, d'humanité ou de loisir aux enfants malades. "A la différence des médecins, qui n'ont pas le choix, je ne prends la liberté d'entrer en contact avec l'enfant que dans les limites qu'il impose. C'est le seul moment, à l'hôpital,
où il redevient acteur de sa propre vie. Le temps ou l'énergie que j'ai à lui consacrer dépendent d'abord de lui."
Cette fois, à sa façon, et avant les philosophes, psychiatres ou pédopsychiatres, l'artiste va ouvrir par "La graine du pêcher" la saison de conférences des Bureaux de quartiers consacrées au "Goût de vivre" par Philippe Meire, à "L'éveil du plaisir chez l'enfant" par le pédopsychiatre Jean-Marie Gauthier, etc. Pourquoi avoir choisi le personnage du clown pour dénoncer la solitude, l'injustice ou la misère du monde? "C'est le clown qui s'est imposé à moi. Le clown est l'antihéros. Il est fragile, il est vrai, il est en difficulté, il est en danger, "' il tombe tout le temps. Dans ce contexte, le public peut s'identifier à lui. Beaucoup de gens se reconnaissent dans le clown parce qu'il réussit quand il rate, or la société exige sans cesse la performance, la beauté, l'intelligence, la richesse:"
À l'ASSAUT DE MYTHES
À la différence de l'humoriste, très proche de l'actualité brûlante et prêt à tout pour faire rire, le clown va d'abord rire de lui, s'attaquer aux mythes de la solitude, de Dieu, du sexe, de tout ce qui fait mal à l'homme avec respect et plaisir.
Car selon Paolo Doss, "sans respect, pas de plaisir et sans plaisir, pas de public"; ce qui serait dommage pour un clown sentimental sur le fond, mental sur la forme, tantôt proche de la langue de Devos, tantôt - NdlR: mais seulement à la ville - plus brutal. "Le clown est un fouteur de merde. Il est excentrique, hors du cercle. Il est habillé de sa seule dignité humaine et chacun se reconnaît en lui."
par LAURENCE BERTELS