Avec toute la tendresse de Payoyo et Trott'inette

Un nez rouge et le cœur sur la main, l'humoriste professionnel Paolo Doss passe chacun de ses jeudis en compagnie des enfants malades des cliniques Saint-Luc.

A la limite, on aurait envie d'écrire qu'il n'a aucun mérite. Parce que, à l'évidence, tout, ou disons beaucoup en apparence, lui a été donné à la naissance. Avec sa tignasse noire bouclée et sa voix rauque aux «r» qui roulent comme seul peut le faire sans se forcer l'Italo-égyptien qu'il est, Paolo Doss a, comme on dit, le physique, et même le nom, de l'emploi. Celui de clown en l'occurrence.

Un clown comme les autres. Gai sur scène et sérieux comme en pape en habit de ville. Tenant des propos graves, mais surtout pas larmoyants, quand il s'agit d'évoquer l'engagement bénévole que ce comédien professionnel a pris en décembre dernier. Comme un défi: celui de débarquer, chaque jeudi après-midi, armé de courage, dans la chambre des petits patients entrés pour de trop longs séjours à St Luc.

Là, avec sa complice, ce ne sont plus Paolo Doss et Martine Delrée qui entrent en scène, mais bien Payoyo et Trot'inette. Leur but n'est pas, comme le font par exemple les Cliniclowns à l'Hôpital des enfants, de dédramatiser l'acte médical, en arrivant en blouse blanche dans la chambre, un nez rouge au milieu du visage et une fleur au bout du stéthoscope. Non, leur objectif à eux, est d'apporter, à l'intérieur de l'hôpital, le spectacle qu'ils font pour d'autres enfants à l'extérieur. Avec quelques adaptations bien sûr. Pas question, par exemple, d'entrer avec grand fracas dans une unité stérile, en faisant «bouh» à l'enfant cloué sur son lit.

RESPECTUEUSEMENT

"Il ne faut Jamais oublier que, dans cette situation, l'enfant n'a aucune porte de sortie. Et si ce n'est pas le moment de lui rendre visite, d'instaurer le dialogue, on repart aussitôt, par une pirouette, sur la pointe des pieds, explique Paolo Doss, une fois que l'on sent notre présence acceptée, voire parfois très attendue, on essaie de s'adresser tant à l'enfant qu'aux parents, à l'infirmière et au personnel médical. Nous tentons, pour autant qu'ils soient consentants, de les inclure dans nos animations, en les prenant à témoin, par exemple. S'ils préfèrent rester spectateurs plutôt que devenir acteurs, c'est évidemment à leur guise. Notre maître-mot est le respect. Nous ne voulons surtout pas imposer quoi que ce soit sous prétexte que, si l'enfant rit, 'cela va lui faire du bien. Nous devons avant tout être à l'écoute. Il faut énormément dé psychologie, de cœur, d'âme, de tripes. La technique, dans ces moments-là, ne représente guère plus d'un pour-cent.
L'important est d'apporter à ces enfants du plaisir et beaucoup dé tendresse au moment présent. Ni plus ni moins. Nous n'avons rien à démontrer. D'ailleurs, nous ne voulons pas savoir que le petit patient que nous visitons est en phase terminale, si tel est le cas. Nous voulons avant tout les considérer comme des enfants vivants, fragilisés certes et qui ont perdu bon nombre de repères, mais qui restent malgré tout des enfants à part entière. "
Nous espérons leur apporter exactement ce dont ils ont besoin au moment précis. Rien déplus. Quant à nous, dès le départ, nous avons pris le parti de ne rien attendre de leur part. C'est un peu comme si on venait leur déposer un cadeau, tout en sachant qu'en aucun cas on ne devait se retourner pour voir s'ils allaient l'ouvrir après notre départ. Dès le moment où l'on se retourne pour voir, on tombe dans le piège de l'attente et il n'y a plus ce détachement par rapport au don qui est essentiel ".

par L.D.

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Presse
mar, 07 Juin 1994
Source : 
La Libre Belgique
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