C'est un clown qui parle de l'exclusion sociale aux enfants

Un clown, c'est déjà un exclu. Ne dit-on pas « arrête de faire le clown» ou encore «t'es habillé comme un clown» ? Qui donc, mieux qu'un clown, peut parler de l'exclusion sociale aux enfants? C'est ce qu'ont compris le PAC (Présence et Action culturelles) de Jette, ainsi que quatre autres associations travaillant au sein du Foyer culturel de cette commune. Durant une dizaine de jours, au mois de septembre, ils ont demandé à Paolo Doss, clown professionnel, de sensibiliser quelque 1.400 petits Jettois dans leurs écoles au thème de l'exclusion sociale.

Toc toc toc. Le clown frappe à la porte. Les enfants lui disent d'entrer. Mais Paolo Doss semble sourd. Il frappe à nouveau. Les gosses lui crient d'entrer. Mais le clown ne touche pas à la poignée de porte. Les enfants lui hurlent d'entrer. Alors, timidement, il fait son apparition. Il est pitoyable avec son air malheureux, son manteau troué et ses godasses trois fois trop grandes. «Je peux entrer?" fait-il, en tirant derrière lui son énorme coffre. Stupéfaction des enfants. «Je suis content que vous m'ayez laissé entrer, parce que dehori>. on me trouve bizarre. Vous trouvez que je suis bizarre?" « Non », répondent en chœur les enfants. «Ah bon ! parce que dehors, on a peur de moi à cause de mon manteau troué. On dit que c'est vilain. Que j'ai l'air d'un pauvre. »

Et c'est ainsi, par petites touches, que le dialogue se noue entre l'exclu et les enfants. Il leur parle de la pauvreté, du racisme. Mais avec leur langage. Il les fait rire aussi: la varicelle devient le vermicelle, les oreillons deviennent les drôles de rayons. Et les gosses sont sensibles aux paroles du clown. Paolo Doss n'oubliera pas cette petite fille qui lui donna dix francs en sortant...

Cinquante classes

Ce projet de sensibilisation à l'exclusion sociale et à la pauvreté, soutenu par la Communauté française, a été longuement préparé. En mai, déjà, le PAC a fait le tour des écoles jettoises pour le présenter. Sur les douzes écoles contactées (tant du réseau officiel que libre), dix ont largement ouvert leur porte. Au total, cinquante instituteurs ont accepté de participer à l'opération. Restait à trouver le clown capable de relever le défi. C'est Paolo Doss, bien que clown "pour adultes", qui fut choisi, parce qu'il allie le comique à la poésie et la tendresse à la satire.
Cette action ne se limite cependant pas à la visite de Paolo Doss dans les classes: il y a un suivi. Après la visite du clown, chaque classe a réalisé un dessin collectif sur le sujet. Les cinquante dessins seront présentés le 26 septembre au Foyer culturel. Pas de compétition cependant, toutes les classes auront un prix: il est hors de question de faire des exclus...

Quant à l'Ecole de devoirs du Foyer culturel, elle participera également à sa façon au projet. Les petits Jettois qui y passent leurs après-midi vont confectionner un petit journal où le thème de l'exclusion sociale sera largement exploité. Tiré à mille exemplaires, il sera prêt lui aussi pour le 26 septembre.
Pendant toute l'année scolaire, les enfants auront l'occasion d'approfondir leur réflexion, par des actions concrètes auprès de groupes d'exclus sociaux: visites chez de vieilles personnes, de handicapés, d'enfants à l'hôpital, par exemple. Enfin, l'année prochaine à l'occasion des fêtes de la Communauté, les enfants présenteront les résultats de leur action : une vidéo sur les activités menées avec les exclus sociaux.

par F. R.

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Presse
ven, 22 Septembre 1989
Source : 
Le Soir
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