Le cercle St-Louis de Thuillies clôture sa 10e fancy-fair par le feu d'artifice des jeux de mots de toutes les couleurs de Paolo Doss.
PAOLO DOSS surgit dans notre après-midi. Déconcertant dans une recherche désespérée, il va dans le public puis se retrouve seul sur scène, sans ce statut qui lui permettrait d'être reconnu. En cherchant le bonheur, il nous l'apporte.
Il nous regarde vivre et il le dit, avec des mots bien sûr, mais des mots qui, en les transformant, en disent bien plus que leurs syllabes interverties, recollées. En enchaînant les jeux de mots, il libère leur vrai sens. Avec une grande sensibilité, il montre du doigt les non-sens « les prisonniers sont les seuls à avoir du temps libre », l'isolement « seul dans son univers à soi », les apparences trompeuses « l'habit est un langage dont il faut se méfier ».
Une déferlante de mots
Les mots, jeux de mots et bons mots se suivent en cascades déferlantes quand il parle de l'informatique. Il éclaire le temps qui passe, les habitudes alimentaires, le sport, le travail. Le public entre dans le spectacle, on l'entend rire doucement, on le sent partie prenante mais ce qui se dit, c'est tellement vrai qu'on n'ose pas applaudir entre les flashes. Puis le jongleur des mots sent le respect des auditeurs pour la réflexion qu'ils devinent sous le discours. Alors il invite ce public à se laisser aller à applaudir. Et il n'attendait que cette permission pour participer.
Unique mais pas seul
Mais ce public reste le souffle court, le cœur serré, devant la petite vieille que le clown fait vivre dans un recoin de la scène, espérant que quelqu'un, par erreur, fera sonner son téléphone dans sa chambre de home. « Je vais devoir dormir avec ma solitude et je n'aime pas, elle prend trop de place. Être tout seul, c'est être vide parce que c'est l'amour qui remplit la vie ».
Il n'y a pas que ses mots, il y a aussi ses mains oui créent la réalité dans l'air, ses yeux qui parlent sous sa tignasse «crollée», son visage qu'il sculpte de mimiques, de grimaces, de plaisir, de désespoir et puis tout son corps qu'il lance dans un ballet comique.
On sent que le courant passe avec le public. Il nous caricature tellement vrai, qu'on n'arrête pas d'en rire. Il sait aussi faire naître l'espoir comme le cri « du petit nageur de l'éternité» à sa naissance dans le monde. Paolo n'est plus seul sur scène. Il peut dire à la fin du spectacle qu'il est reconnu. Et il l'est vraiment par les 80 personnes qui se sont levées et qui l'applaudissent à n'en plus finir. Il l'a, son statut. Ému, il remercie sa source en jetant un regard au ciel.
L'homme
Paolo Doss a refusé de vouer sa vie à la publicité, sa branche de départ. « Je veux dire ce que je veux e1 ne plus être obligé de dire qu'un produit est bon même si je pense le contraire. Mon inspiration c'est la vie que je vois autour de moi. Je retiens ce qui résonne en moi de tout ce que je trouve. Certains personnages sont la synthèse de différentes observations. Ce qui me caractérise, je crois, c'est ce qui sous-tend tout le spectacle, la philosophie qui est en dessous. Je la puise à toutes les sources, beaucoup de lectures, de rencontres. Je me fais ma religion en quelque sorte. La seule chose qui a de l'effet sur moi, c'est ce que moi je pense. Si tu penses que je suis bête, ça n'a pas d'importance mais si je commence à penser que je le suis, alors, je le deviens. On devrait davantage parler en disant « je », plutôt que « tu es ceci ou cela ». Et la religion, tant qu'elle est un support pour ma foi, ça va, si elle devient un filtre, elle ne m'intéresse plus.
Le répertoire
Paolo Doss a écrit et présente cinq one-man-shows pour ados et adultes. Il apporte le sourire aux enfants hospitalisés. Ses animations en primaire traitent de l'exclusion et de la pauvreté, en maternelle de la nature et de l'environnement. AID adultes, il propose une formation pour redécouvrir le « clown intérieur », c'est-à-dire retrouver le plaisir de l'enfance perdu avec la constitution du personnage socialisé qui nous empêche d'être réellement nous-mêmes.
Pierre DEJARDIN